Washington 092

Publié le par Jean-Guy





Juin 2003 : (2)
Rencontre entre le président Sharon et le président Bush qui, auréolé de son succès irakien, se sent plein d'allant:
- Après la paix en Irak, vous savez que j'ai promis de venir faire la paix au Proche-Orient ?
- Oui. Et ça m'inquiète un peu.
- Non, faut pas vous inquiéter! Vous savez, Ariel, finalement, diriger une guerre, c'est simple : j'ai un superbe logiciel fait par les gars de Minisoft qui s'appelle Wardowsgame 2000, eh bien il me fait toute la stratégie !
- Ah bon ? Comment ça marche ?
- Facile : je n'ai qu'à choisir la stratégie entre deux options, les "bombes intelligentes" ou l'option par défaut, ensuite mes généraux se chargent de la tactique!
- Mmm, les bombes intelligentes, je connais; mais c'est quoi l'option par défaut ?
- Les bombes à la con. Par exemple, on en a une qui pourrait à elle toute seule nettoyer tout le Proche-Orient !
- Oui, mais on y habite aussi.
- Je sais. Dans votre cas, j'aurai choisi l'option "bombes intelligentes" qui ne touchent que les méchants, en épargnant les bons.
- Effectivement, c'est de la bonne stratégie. Mais ici, vous savez, c'est pas le Texas ou le désert irakien, c'est tout petit. On est très à l'étroit (c'est même une des raisons du conflit israélo-palestinien, vous le savez peut-être.) J'ai peur que si une bombe intelligente tombe sur des abrutis, elle fasse aussi des victimes chez les gentils.
- Oui, c'est un problème. A ce sujet, la cellule psychologique du Pentagone m'a bien rappelé de toujours appeler les victimes des "dommages collatéraux." Parce que c'est dommage pour eux. Ils sont bien, les gars de ma cellule de propagande psychologique.
- OK, George, on avance bien, mais je crois qu'il faudrait encore essayer la guerre de négociations, avant d'utiliser votre wargame.
- D'accord, mais ce n'est pas ma spécialité, je dois le reconnaître.
- J'étais au courant. Seulement les médias aiment bien un peu de négociations avant les bombardements, ça fait monter le suspense.
- Maintenant qu'on a bien avancé sur la paix au Proche-Orient, ajouta le président Bush, est-ce que vous avez reçu la copie du mémo que j'ai reçu de la CIA et que j'ai fait transmettre au Mossad ? Sur les guerres indiennes aux USA ?
- Celui qui disait: "Suite à de récents travaux d'historiens, il a été clairement démontré que les présidents américains successifs ont été manipulés par de faux rapports de la CIA du 19e siècle, dont les agents - des trappeurs, des pionniers et des cow-boys en civil - ont affirmé que les tribus indiennes s'apprêtaient à utiliser les troupeaux de bisons comme armes de destruction massive, en les lançant contre tous les villages du Far West et contre le chemin de fer. Les gouvernements américains de l'époque n'ont donc aucune responsabilité dans le génocide indien et la disparition des millions de bisons. Il y avait légitime défense et attaque préventive unilatérale"?
- Oui, c'est ça. Quelle mémoire, Ariel !
- C'est-à-dire que ce mémo a fait le tour de tous les services !
- Ca n'a pas de rapport direct avec vos problèmes de Palestiniens, mais comme je suis partisan d'une totale coopération entre nos services secrets, j'ai pensé que tout ce qui était de nature à renforcer l'image du gouvernement américain était également bon pour nos alliés.
- Merci, Mr le Président, de votre soutien à Israël, mais... les analystes du Mossad pensent qu'il pourrait s'agir d'une plaisanterie de la CIA, voire d'une taupe.
- Vous savez, Ariel, on y a pensé aussi, nous savons plaisanter à l'occasion. Je connais des blagues juives, comme celle qui est dans la Bible (mon livre préféré), celle du type qui dit qu'il faut tendre l'autre joue ! Mais c'est une ruse pour endormir la méfiance de l'adversaire et le ratatiner! Vous la connaissez ?
- Oui, j'ai moi aussi lu la Bible. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans la région, nous sommes assez versés dans les questions de religion. Peut-être trop...
- Oh ? Comment peut-on être trop croyant ? Vous m'étonnez, Ariel.
- En tout cas, il y a une preuve que ce mémo était un "joke": je parie qu'il n'était pas signé, ni visé par le directeur de la CIA; je me trompe ?
- Oui, vous vous trompez : c'était signé "Adam Hussen." Vous savez, ils sont nombreux à la CIA, je ne peux pas les connaître tous; en plus ils ont des pseudos, c'est compliqué comme administration. Mais je voudrais comprendre : si c'est une blague, où est l'astuce ?
- Eh bien, George, comment dire... Ils vous appellent Faiseur-de-paix, un surnom de style indien...
- Ca, j'avais remarqué, précisa opportunément George Bush.
- Ah. Mais le truc c'est que quand vous faites la paix, par exemple en Afghanistan, en Irak, comment dire... ça ressemble à une guerre.
- C'est que... y a toujours ces forces du mal qui ne veulent pas faire la paix.
- Comme chez nous !! D'ailleurs ne dit-on pas en latin : "Si vis pacem, parabellum."
- Hein ? Finalement, mes conseillers m'avaient dit que le Proche-Orient, c'était compliqué, c'est eux qui ont toujours l'esprit tordu, je le leur répète tous les jours : "Qui sont les bons ? Où sont les méchants ?" C'est tout.
- Vous savez, George, vous devriez voyager plus souvent, vous comprenez mieux les choses maintenant. Et votre analyse de la situation me remonte toujours le moral; ça m'éclaircit l'esprit.
- Y a qu'une chose que je ne comprends pas vraiment : l'Extrême-Orient, je sais que c'est très loin, bon. Mais le Proche-Orient devrait être plus proche que le Moyen-Orient, non ? Et pourtant, en avion, je mets aussi longtemps pour aller à l'un et l'autre.
- Mon ami, depuis la Grande Amérique, le monde entier paraît petit.
- Oui. Et je me demande toujours comment vous faites pour faire tenir autant de gens sur un territoire aussi petit !
- A vrai dire, on aimerait bien en faire partir quelques uns...
- Dites, Ariel, même si mon surnom est une blague, pensez à me soutenir pour le prix Nobel de la paix. Il ne faudrait quand même pas que ce vaurien de Chirac, ce Frenchie qui nous a abandonnés seuls face à Ben Saddam, l'obtienne avant moi.
- Aucun risque, il n'arrive même pas à faire la paix en France !!!
- Dites, Georges, si je peux me permettre, où en êtes-vous dans la traque de Ben Laden et Saddam Hussein ?
- Bof, ils se terrent dans des grottes sous des hôtels trois étoiles, sans doute en Afghanistan, au Pakistan ou en Syrie.
- C'est quand même vaste comme zone à explorer pour vos forces spéciales, non ?
- Je vais vous dire, Ariel : Ben Laden et Saddam, c'est de la petite bière, du menu fretin, on les trouvera tôt ou tard, dans un trou ou sur la Côte d'Azur chez ces maudits Frenchies. Maintenant, nous chassons un plus gros gibier !
- Je ne vous suis pas très bien, là : quel gros gibier ?
- L'Antéchrist ! il est sur terre, Ariel, et nous traquons maintenant l'Antéchrist sur toute la planète !
- Ah. Et... vous avez une piste ? Parce que là... je crains que le Mossad ne puisse vous aider. A la rigueur, si je demandais à nos fanatiques religieux, ceux du Grand Israël...
- Merci, mais nous savons qu'il était en France ces derniers mois, et maintenant l'Antéchrist est sûrement en Belgique, parce que leurs tribunaux acceptent des plaintes contre nous pour crimes de guerre ! Vous vous rendez compte : l'Antéchrist qui porte plainte contre nous, les soldats de Dieu !
- Révoltant. Il devait savoir que les Américains raffolent des procès.
- Vous et nous, Ariel, nous sommes seuls contre le Mal ! Mais Dieu est avec nous, et nous vaincrons.
La rencontre entre les alliés de longue date prit fin sur ces mots, dans une atmosphère martiale, à la veille d'une nouvelle rude bataille contre les forces du Mal.

Quelques jours après la formidable avancée vers la paix que représentait la rencontre historique Bush-Sharon, on comptait malheureusement une cinquantaine de victimes (bons, méchants et indéterminés.)



Publié dans Textes Humoristiques

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